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Martin Méchant
19 janvier 2011

Pas la bouche pleine

Ce fracas aussi jovial est celui de la ville. Le brouhaha de mes compères affamés m’indique qu’il est l’heure de déjeuner.

Vous avez dit en paix ?

-Bousculade-

-Oh ! Pardon mademoiselle. J’ai la tête dans l’estomac et elle remonte de mon cul depuis 1h.

- Je tourne les talons, fin de la discussion -

Ce n’est pas le moment de s’estomaquer.

Alors que les étables agglutinées s'offrent à moi, j’attends le coup de foudre culinaire. L’olfaction prime désormais sur la raison. Rien ne compte plus que les odeurs, les formes, les couleurs. Mais pour quelle foutue cantine vais-je pencher ?

Ce sera elle ! « RESTAURANT CÔTE CÔTE »

Je pense à un repas gargantuesque. Il faut noter qu’en 2011, une entrée quelconque, 500 grammes de bœuf et 100 grammes de frites constituent un repas gargantuesque. Ce dernier va nourrir mon improductivité constante, ce qui n’est pas une mauvaise chose en-soi. On ne voit pas le bout de l’hiver et une fois de plus on attend, on attend sans cesse, comme cette femme qui fait mine de connaître le bitume froid de l’hiver parisien.

Elle m’agrippe, elle connaît bien son métier et veut pleurer ses larmes sèches sur mon épaule. D’un geste hautain, je repousse fermement sa main souillée par les gaz métropolitains. Elle revient à la charge et ne semble pas en démordre. Elle est toute de guenilles vêtue et feint d’être éclopée. Une lueur d'altruisme saisit alors mon esprit.

Et si je lui rendais service ?

Sa voix haletante et plaignante me donnerait-elle la chair de poule ?

Non, il fait -2C° avec un vent d'Est, simple fait.

-Moi ya l’enfaaaaannt haaaaaa…

Aujourd'hui, le gosse n’était pas avec elle. À 4 ans, il est capable d’arpenter tout le réseau Francilien à la recherche du liquide, celui qui s'échappe des poches de certains passagers. Ce liquide adulé est devenu inhérent à toute forme de vie en zone urbaine. J’adore ce liquide et il va couler…

Malgré la faim, j’aiderai bien cette dame à augmenter son capital pitié. Ce qui est un excellent point s’il elle veut déstabiliser la concurrence. Exit le rougeaud stagnant dans ses suppurations et autres trop plein. Vive les écorchés, les pieds-bots ! En somme, ceux qui provoquent l'émoi autant que le dégout.

Saviez-vous qu’en inoculant la gangrène à un rom payé 10 euro la journée, il vous rapporte 90 voire 100€ ? Soit 50 € de plus qu’une mineure donnant le sein à son nourrisson devant le regard effaré des passants aigris. Mais comment convaincre les hommes de contracter cette effroyable maladie ?

Un postulat : la carence culturelle de ces damnés est telle, qu’ils sont heureux de gagner leur lot quotidien, celui de l’ignorance. Alors ils embrassent l'infection, sans même posséder l'antidote. Personne ne leur donnera, ils ne savent pas ce qu’est la gangrène.

Rien n’est plus pareil, même les mendiants changent, ils sont plus drôles qu’avant…

Je marche donc le long du canal St Martin en compagnie de cette rom. L’estropier en public me paraît compliqué. Nous arrivons à hauteur d’un pont qui surplombe un virage. La voute se fait de plus en plus oppressante, j’étouffe. Las de cette embarrassante compagnie, je la saisis puis la pousse dans ce canal putride. J’attends une dizaine de secondes sous des cris de panique amplifiés de douleur, puis fait demi tour.

Personne ne m’a vu, elle ne savait pas nager…

Maintenant… CÔTE CÔTE !

 

Rom

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Martin Méchant
  • Nourri par un enfant du vice et de la décadence populaire, ce blog donne de la confiture à tous les cochons. Vous-y trouverez du miel urbain, un produit issu des verres de nos terrasses et de nos déchets mal triés.
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